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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/176

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avait laissés sa mère ; c’étaient presque tous ouvrages de controverse religieuse ; et comme elle avait besoin des mêmes livres pour apprendre l’anglais à dona Julia, sa fille unique, les conséquences de la fausse démarche qu’avait faite jadis sa grand-mère se faisaient sentir jusque dans l’éducation de cette jeune personne.

En apprenant l’anglais, Julia s’éloigna de plus en plus de la foi que professait son père, et se dévoua à une vie de persécution ou d’hypocrisie.

La comtesse commettait la faute impardonnable de se plaindre à son enfant des mauvais traitements de son mari ; et comme ces conversations, tenues en anglais, étaient consacrées par les larmes de sa mère, elles firent une impression indélébile sur la jeune tête de Julia, qui grandit avec la conviction qu’après le malheur d’être catholique, le plus grand qui pût lui arriver serait d’épouser un homme de cette religion.

À peine avait-elle atteint sa seizième année qu’elle eut le malheur de perdre sa mère ; et quelques mois après, son père lui présenta un homme du plus haut rang, comme son futur époux.

Il serait difficile de dire si les principes religieux de Julia, n’étant plus soutenus par l’exemple ou les conseils d’une mère, auraient pu la faire résister longtemps aux volontés de son père ; mais l’amant qu’il lui présentait était vieux et laid ; et plus elle le voyait, plus elle s’affermissait dans son hérésie. Enfin, réduite au désespoir par ses importunités, elle avoua franchement à son père quelle était sa croyance. La colère de celui-ci fut violente et durable ; Julia fut renfermée dans un couvent pour y faire pénitence de ses fautes passées, et opérer sa conversion pour l’avenir. La résistance physique n’était pas en son pouvoir, mais elle se promit bien de ne jamais, céder : on pouvait renfermer son corps, mais son esprit restait inébranlable, et la dureté peu judicieuse de son père ne faisait que l’affermir de plus en plus dans sa résolution.

Elle était depuis deux ans dans le couvent, refusant obstinément de se rendre aux désirs de son père, lorsque celui-ci fut appelé à l’armée pour défendre les droits de son prince légitime, et cette circonstance fut peut-être la seule cause qui l’empêcha d’employer contre sa fille les mesures les plus violentes.

La guerre étendait ses ravages jusque dans le sein de l’Espagne ; une grande bataille fut livrée presque sous les murs du couvent,