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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 18, 1841.djvu/26

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devant la porte changea de disposition. Les deux seigneurs du premier rang qui avaient marché en avant, firent place au jeune roi, et les chevaliers firent des arrangements qui prouvaient qu’il n’était plus question de déguisement, et que chacun devait maintenant se montrer ce qu’il était véritablement. Un observateur philosophe et attentif se serait amusé en voyant les jeunes cavaliers surtout se redresser sur leur selle comme s’ils eussent voulu se défaire de l’air timide d’humbles marchands, et se faire reconnaître pour ce qu’ils étaient, des hommes habitués aux tournois et à la guerre. Le changement ne fut ni moins grand ni moins subit sur les remparts. Toute apparence d’engourdissement avait disparu. Les soldats se parlaient les uns aux autres avec vivacité, mais à demi-voix, et le bruit des pas qu’on entendait un peu plus loin, annonçait qu’on avait dépêché des messagers de différents côtés. Environ dix minutes se passèrent ainsi. Cependant, durant cet intervalle, un officier de rang inférieur arriva sur les remparts, et fit des excuses d’un délai qui n’avait pour cause que la nécessité de maintenir les règles de la discipline, et qui ne venait pas d’un manque de respect. Enfin un mouvement qui eut lieu tout à coup sur les remparts, et la clarté de plusieurs lanternes, annoncèrent l’approche du gouverneur ; et les voyageurs, qui commençaient à exhaler leur impatience par des exécrations prononcées à demi-voix, s’imposèrent la contrainte que l’occasion exigeait.

— L’heureuse nouvelle qu’on vient de m’apprendre est-elle vraie ? s’écria une voix du haut de la muraille, tandis qu’on en descendait à l’aide d’une corde une lanterne afin de mieux examiner ceux qui se présentaient à la porte. — Est-ce réellement don Ferdinand d’Aragon qui me fait l’honneur de demander à entrer dans cette ville à une heure si inusitée ?

— Dites à ce drôle de tourner sa lanterne de mon côté, dit le roi de Sicile, et vous vous en assurerez vous-même. J’oublierai facilement le peu de respect qu’on m’a témoigné, comte de Tréviño, pourvu qu’on m’accorde l’avantage d’entrer promptement.

— C’est lui ! s’écria le comte, je reconnais cette noble physionomie qui porte les traits d’une longue race de rois, et cette voix que j’ai souvent entendue rallier les escadrons d’Aragon pour les conduire à la charge contre les Maures. — Que les trompettes sonnent pour proclamer son heureuse arrivée, et qu’on se hâte d’ouvrir la porte !