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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/341

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et celle de sa femme ; car je conviens que, même aujourd’hui, après un intervalle de tant d’années, il m’en coûte de parler d’eux.

Rupert ne vécut que quatre ans après le mariage de sa sœur. Indépendamment de la rente que nous lui faisions, j’avais, à l’insu de sa sœur, payé deux fois ses dettes, et je crois vraiment qu’il comprit ses torts avant de mourir. Il laissait une fille unique, qui ne lui survécut que quelques mois. Le major Merton l’avait précédé au tombeau. J’avais toujours été en assez bons termes avec le major, et il semblait n’avoir pas complètement oublié les diverses obligations qu’il m’avait, ainsi qu’à Marbre. Comme presque tous ceux qui servent des gouvernements libres, il ne laissa presque rien ; de sorte que mistress Hardinge pendant son veuvage fut heureuse de se voir continuer la pension qui était faite à son mari. Émilie était une de ces femmes du monde qui ne manquent pas absolument de bonnes qualités, mais qui calculent trop bien tout ce qu’elles font. L’extérieur agréable de Rupert et ses manières assez distinguées l’avaient captivée, et, le croyant l’héritier de mistress Bradfort, elle l’avait épousé avec plaisir. N’y avait-il pas eu ensuite des moments de regrets et de déception ? C’est un voile que je ne tenterai pas de soulever ; mais je ne fus pas fâché d’apprendre qu’elle se disposait à changer de position. Elle épousa un homme âgé, qui pouvait lui procurer tous les avantages de la fortune, et passa avec lui en Europe. Nous entretînmes encore quelques relations avec elle, et même, il y a une quinzaine d’années, nous restâmes quelques semaines dans une maison, moitié chaumière, moitié château, qu’elle décorait du nom de palais, et qu’elle habitait sur les bords de l’un des lacs enchanteurs de l’Italie. La signera Montiera — elle avait ajouté une finale italienne à son nom de Montier — veuve de nouveau depuis un an, était assez considérée, et passait pour une douairière respectable qui aimait assez les pompes et les vanités de ce monde pervers. Je voulus lui rappeler quelques incidents de sa première jeunesse, mais je n’eus pas grand succès. Elle m’écoutait avec patience, le sourire sur les lèvres, quoique sa mémoire fût très-infidèle. Elle se rappelait bien confusément quelque chose du canal de Hyde-Park et de la brouette ; mais quant au grand voyage que nous avions fait ensemble à travers l’Océan pacifique, elle n’en conservait presque aucun souvenir. Pour lui faire honneur, Lucie avait mis son collier de perles dans une petite fête qu’elle avait donnée pendant notre séjour, et je m’aperçus