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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/135

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cavaliers arrivèrent au grand galop pour annoncer ce qui se passait. Le rang du major Lincoln fit qu’il fut instruit de ce qu’on jugea impolitique de communiquer aux soldats. Quoiqu’il fût évident que ceux qui avaient apporté cette nouvelle cherchaient à lui donner les couleurs les plus favorables, il découvrit, bientôt que le corps d’Américains qui avait quitté la ville lorsque le corps d’armée s’en était approché, s’étant présenté devant le pont pour rentrer dans ses foyers, le détachement qui le gardait avait fait feu, et que, dans le combat qui s’en était suivi, les troupes régulières avaient été obligées de se retirer avec perte.

L’effet de cette conduite prompte et vigoureuse des colons fut de produire un changement soudain, non seulement dans les mouvements des soldats, mais dans les mesures de leurs chefs. Les détachements furent rappelés, les tambours battirent le rappel, et, pour la première fois, les officiers et les soldats parurent se rappeler qu’ils avaient six lieues à faire dans un pays où ils trouveraient à peine un ami. Cependant on ne voyait pas s’avancer d’ennemis, à l’exception des habitants de Concorde qui restaient en possession du pont, et qui avaient déjà fait couler le sang de ceux qui avaient envahi leurs pénates. On laissa les morts et les blessés où ils étaient tombés, et les esprits observateurs remarquèrent, comme un mauvais augure, qu’il se trouvait parmi les derniers un jeune officier, ayant un rang distingué et une grande fortune, qui resta à la merci des Américains courroucés. La contagion se communiqua des officiers aux soldats, et Lionel vit qu’au lieu de la confiance hautaine et insultante avec laquelle on était entré dans Concorde, chacun, lorsque l’ordre fut donné de se remettre en marche, regardait les hauteurs voisines avec inquiétude, d’un air qui annonçait qu’il sentait les dangers auxquels il pouvait être exposé pendant la longue route qu’il avait à faire.

Ces appréhensions n’étaient pas sans fondement. À peine les troupes étaient-elles en marche qu’elles furent saluées d’une décharge qui partit de derrière une grange, et de pareilles décharges partirent également de derrière tout ce qui pouvait servir d’abri aux Américains. D’abord on fit peu d’attention à ces attaques légères et momentanées ; une charge un peu vive et quelques coups de fusil ne manquaient jamais de disperser les ennemis, et alors les troupes continuaient à avancer quelque temps