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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/175

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Les regards de Ruth décelaient toujours le désespoir qui déchirait son âme ; ses traits étaient décomposés.

— Madame, mistress Heathcote, ma mère…, disait par intervalles la petite orpheline. Le cœur de Ruth fut touché, elle pressa la fille de son amie contre son sein, et la nature trouva un secours momentané dans un de ces accès de douleur qui menacent de rompre les liens qui unissent l’âme avec le corps, mais qui sont cependant encore moins dangereux qu’un muet et sombre désespoir.

— Viens, fille de John Harding, dit Content, regardant autour de lui avec le calme d’un homme qui a acquis le plus grand empire sur lui-même, tandis que son cœur était déchiré de regrets ; c’est la volonté de Dieu, et nous devons baiser sa main paternelle. Soyons reconnaissants… En prononçant ces dernières paroles, son regard était calme, mais ses lèvres étaient tremblantes. — Soyons reconnaissants, ajouta-t-il, de la bonté qu’il nous a montrée. Notre enfant est avec les sauvages, mais nos espérances sont au-dessus de la malignité des Indiens. Nous n’avons point déposé notre trésor dans un endroit où les vers et la rouille puissent le corrompre, où les voleurs puissent le dérober. Peut-être demain pourrons-nous nous entendre avec l’ennemi, et lui offrir une rançon.

Il y avait une lueur d’espoir dans ces paroles. Cette idée sembla donner une nouvelle direction aux pensées de Ruth, et ce changement lui permit de ressaisir une partie de l’empire qu’elle savait exercer sur elle-même. Ses larmes cessèrent peu à peu de couler, et après quelques efforts affreux, elle fut capable de se montrer résignée. Toutefois, pendant l’effrayant combat qui suivit, elle ne montra ni la même activité ni le même ordre dont elle avait fait preuve dans les premiers événements de la nuit. Il est à peine nécessaire de rappeler au lecteur que le coup affreux qui frappa Ruth et son mari fut porté au milieu d’une scène où d’autres acteurs étaient trop occupés de leur propre position pour y donner un grand intérêt : le sort des assiégés de la citadelle approchait trop évidemment de sa fin pour attirer l’attention générale sur un épisode de la grande tragédie du moment.

Le combat avait en quelque sorte changé de caractère. Les assiégés n’avaient plus à craindre les traits des assaillants, mais le danger se montrait peut-être sous un aspect plus horrible. De