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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 9, 1839.djvu/95

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— Ce bon fusil remplit mieux son devoir que son maître. Il est possible que tu aies la permission de dormir à ton poste, car, nous autres filles, nous ne pouvons deviner le bon plaisir du capitaine sur ces matières-là ; mais il serait aussi utile, sinon aussi militaire, de placer ton mousquet à la poterne et toi dans ton lit la première fois que tu seras de garde et que tu auras envie de dormir.

Dudley eut l’air aussi confus qu’un homme de son caractère, rude et inflexible, pouvait l’avoir ; mais il refusa obstinément de comprendre l’allusion de la compagne qu’il avait offensée.

— Tu n’as pas conversé en vain avec le soldat d’outre-mer, dit-il, puisque tu parles si savamment d’armes et de sentinelles.

— En effet, il m’en a beaucoup appris sur ce sujet.

— Hum ! et quel est le résultat de ses leçons ?

— Que celui qui dort à une poterne ne doit pas parler si hardiment de l’ennemi, ni croire que les jeunes filles doivent placer une grande confiance dans…

— Dans quoi, Foi ?

— Eh ! tu sais bien que je veux dire dans sa vigilance. Sur ma vie, si quelqu’un avait passé plus tard qu’à l’ordinaire près du poste de ce soldat aux douces paroles, il ne l’aurait pas trouvé, comme on aurait pu voir une sentinelle de cette maison, dormant et rêvant aux bonnes choses qui se trouvent dans la laiterie de madame.

— En vérité ; es-tu venue, jeune fille ? dit Ében en baissant la voix et manifestant en même temps son plaisir et sa honte ; mais tu sais, Foi, que nous avions laissé de l’ouvrage de côté pour aller faire une battue dans la forêt, et que le travail d’hier surpassait nos fatigues ordinaires. Cependant je garde la poterne cette nuit, de huit heures à minuit, et…

— Et tu feras un bon somme pendant ce temps-là ; je n’en doute pas. Non, celui qui a été si vigilant pendant la journée, ne doit pas se vanter lorsque la nuit approche. Adieu, Dudley l’éveillé ; si tes yeux doivent s’ouvrir le lendemain, remercie les jeunes filles de n’avoir pas cousu tes habits aux palissades.

Malgré les efforts du jeune homme pour la retenir, la fille aux pieds légers lui échappa en portant son fardeau à la laiterie ; et sur son visage, qu’elle détournait à moitié, on voyait en même temps un air de triomphe et de repentir.

Pendant ce temps le chef des étrangers et ses compagnons