Mais leur déférer tout, c’est tout mettre au hasard :
Qui veut vivre en repos ne doit pas leur déplaire,
Mais sans leur obéir, il doit les satisfaire[1],
En croire leur refus, et non pas leur aveu,
Et sur d’autres conseils laisser naître son feu.
Cette chaîne, qui dure autant que notre vie,
Et qui devroit donner plus de peur que d’envie[2],
Si l’on n’y prend bien garde, attache assez souvent
Le contraire au contraire, et le mort au vivant ;
Et pour moi, puisqu’il faut qu’elle me donne un maître,
Avant que l’accepter, je voudrais le connoître,
Mais connoître dans l’âme.
Eh bien ! qu’il parle à vous.
Alcippe le sachant en deviendroit jaloux.
Qu’importe qu’il le soit, si vous avez Dorante ?
Sa perte ne m’est pas encore indifférente ;
Et l’accord de l’hymen entre nous concerté,
Si son père venoit, seroit exécuté.
Depuis plus de deux ans, il promet et diffère :
Tantôt c’est maladie, et tantôt quelque affaire ;
Le chemin est mal sûr, ou les jours sont trop courts,
Et le bonhomme enfin ne peut sortir de Tours.
Je prends tous ces délais pour une résistance,
Et ne suis pas d’humeur à mourir de constance.
Chaque moment d’attente ôte de notre prix,
Et fille qui vieillit tombe dans le mépris :
C’est un nom glorieux qui se garde avec honte ;