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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/180

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CLARICE.

Parlez un peu plus bas, mon père va descendre.

ALCIPPE.

475Ton père va descendre, âme double et sans foi[1] !
Confesse que tu n’as un père que pour moi.
La nuit, sur la rivière…

CLARICE.

La nuit, sur la rivière…Eh bien ! sur la rivière ?
La nuit ! quoi ? qu’est-ce enfin ?

ALCIPPE.

La nuit ! quoi ? qu’est-ce enfin ?Oui, la nuit tout entière !

CLARICE.

Après ?

ALCIPPE.

Après ?Quoi ! sans rougir ?

CLARICE.

Après ?Quoi ! sans rougir ?Rougir ! à quel propos ?

  1. Au sujet du tutoiement sur la scène française, Voltaire fait la remarque Suivante, que nous ne donnons qu’à titre de renseignement historique : « On tutoyait alors au théâtre. Le tutoiement, qui rend le discours plus serré, plus vif, a souvent de la noblesse et de la force dans la tragédie ; on aime à voir Rodrigue et Chimène l’employer. Remarquez cependant que l’élégant Racine ne se permet guère le tutoiement que quand un père irrité parle à son fils, ou un maître à son confident, ou quand une amante emportée se plaint à son amant :
    Je ne t’ai point aimé, cruel ! qu’ai-je donc fait ?
    (Andromaque, acte IV, scène v.)

    Hermione dit :
    Ne devois-tu pas lire au fond de ma pensée ?

    (Ibidem, acte V, scène iii.)

    Phèdre dit :
    Eh bien ! connois donc Phèdre et toute sa fureur.

    (Phèdre, acte II, scène v.)

    Mais jamais Achille, Oreste, Britannicus, etc., ne tutoient leurs maîtresses. À plus forte raison cette manière de s’exprimer doit-elle être bannie de la comédie, qui est la peinture de nos mœurs. Molière en fait usage dans le Dépit amoureux, mais il s’est ensuite corrigé lui-même. »