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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/201

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Dorante est-il le seul, qui, de jeune écolier,
860Pour être mieux reçu s’érige en cavalier ?
Que j’en sais comme lui qui parlent d’Allemagne,
Et si l’on veut les croire, ont vu chaque campagne[1] ;
Sur chaque occasion tranchent des entendus ;
Content quelque défaite, et des chevaux perdus ;
865Qui dans une gazette apprenant ce langage,
S’ils sortent de Paris, ne vont qu’à leur village,
Et se donnent ici pour témoins approuvés
De tous ces grands combats qu’ils ont lus ou rêvés !
Il aura cru sans doute, ou je suis fort trompée,
870Que les filles de cœur aiment les gens d’épée ;
Et vous prenant pour telle, il a jugé soudain
Qu’une plume au chapeau vous plaît mieux qu’à la main.
Ainsi donc, pour vous plaire, il a voulu paroître,
Non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il veut être,
875Et s’est osé promettre un traitement plus doux
Dans la condition qu’il veut prendre pour vous.

CLARICE.

En matière de fourbe il est maître, il y pipe ;
Après m’avoir dupée, il dupe encore Alcippe[2].
Ce malheureux jaloux s’est blessé le cerveau
880D’un festin qu’hier au soir il m’a donné sur l’eau.
(Juge un peu si la pièce a la moindre apparence).
Alcippe cependant m’accuse d’inconstance,
Me fait une querelle où je ne comprends rien.
J’ai, dit-il, toute nuit souffert son entretien ;
885Il me parle de bal, de danse, de musique,
D’une collation superbe et magnifique,
Servie à tant de plats, tant de fois redoublés,
Que j’en ai la cervelle et les esprits troublés.

  1. Var. Et si l’on les veut croire, ont vu chaque campagne. (1644-56)
  2. Var. D’une autre toute fraîche il dupe encore Alcippe. (1644-56)