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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/205

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LUCRÈCE, à Clarice.

945Sa fleurette pour toi prend encor même style[1].

CLARICE, à Lucrèce.

Il devroit s’épargner cette gêne inutile.
Mais m’auroit-il déjà reconnue à la voix ?

CLITON, à Dorante.

C’est elle ; et je me rends, Monsieur, à cette fois.

DORANTE, à Clarice.

Oui, c’est moi qui voudrois effacer de ma vie
950Les jours que j’ai vécu[2] sans vous avoir servie.
Que vivre sans vous voir est un sort rigoureux !
C’est ou ne vivre point, ou vivre malheureux ;
C’est une longue mort ; et pour moi, je confesse
Que pour vivre il faut être esclave de Lucrèce.

CLARICE, à Lucrèce.

955Chère amie, il en conte à chacune à son tour.

LUCRÈCE, à Clarice.

Il aime à promener sa fourbe et son amour.

DORANTE.

À vos commandements j’apporte donc ma vie,
Trop heureux si pour vous elle m’étoit ravie !
Disposez-en, Madame, et me dites en quoi
960Vous avez résolu de vous servir de moi.

CLARICE.

Je vous voulois tantôt proposer quelque chose ;
Mais il n’est plus besoin que je vous la propose,
Car elle est impossible.

DORANTE.

Car elle est impossible.Impossible ? Ah ! pour vous
Je pourrai tout, Madame, en tous lieux, contre tous.

  1. Var. Il continue encore à te conter sa chance.
    CLARICE, à Lucrèce. Il continue encor dans la même impudence. (1644-56)
  2. Telle est ici l’orthographe de toutes les éditions, y compris celle de 1692. Voyez plus bas, p. 236, note 2, le même vers écrit différemment (avec accord du participe) dans plusieurs éditions.