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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/21

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Les yeux fort égarés, puis débitant ses rôles,
D’un hoquet éternel sépare ses paroles,
Et lorsque l’on lui dit : Et commandez ici,

il répond :

Connoissez-vous César, de lui parler ainsi ?
Que m’offriroit de pis la fortune ennemie,
À moi qui tiens le sceptre égal à l’infamie[1] ?…

Plus tard, l’élève de prédilection de Molière, Michel Baron, a rempli à son tour ce même rôle avec un grand succès[2].

Cornélie fut un des triomphes d’Adrienne le Couvreur. Le plus beau portrait de cette actrice, que la gravure de Drevet a rendu presque populaire, est celui où Coypel l’a représentée dans ce rôle, vêtue de deuil et portant l’urne qui contient les cendres de Pompée. La vue de cette belle peinture a inspiré à Mlle Clairon les réflexions suivantes : « L’ignorance et la fantaisie font faire tant de contre-sens au théâtre, qu’il est impossible que je les relève tous ; mais il en est un que je ne puis passer sous silence : c’est de voir arriver Cornélie en noir. Le vaisseau dans lequel elle fuit, le peu de moments qui se sont écoulés entre l’assassinat de son époux et son arrivée à Alexandrie, n’ont pu lui laisser le temps ni les moyens de se faire faire des habits de veuve ; et certainement les dames romaines n’avaient point la précaution d’en tenir de tout prêts dans leur bagage. La célèbre le Couvreur, en se faisant peindre dans ce vêtement, prouve qu’elle le portait au théâtre. Ce devrait être une autorité imposante pour moi-même ; mais, d’après la réputation qui lui reste, j’ose croire qu’elle n’a fait cette faute que d’après quelques raisons que j’ignore, et qu’elle-même en sentait tout le ridicule[3]. »

Les Mémoires pour Marie-Françoise Dumesnil répondent, non sans raison, à Mlle Clairon : « Êtes-vous bien sûre qu’il fallût à une dame romaine, pour se mettre en deuil, tout l’attirail d’une dame française ? Êtes-vous bien sûre qu’elle eût

  1. Voyez Pompée, acte III, scène ii, vers 807-810. Au dernier vers, on lit dans toutes les éditions de Corneille trône, au lieu de sceptre.
  2. Lemazurier, tome I, p. 85.
  3. Mémoires d’Hippolyte Clairon, p. 55 et 56.