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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/230

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CLARICE.

Si tu l’aimes, du moins, étant bien avertie,
Prends bien garde à ton fait, et fais bien ta partie.

LUCRÈCE.

C’en est trop ; et tu dois seulement présumer
Que je penche à le croire, et non pas à l’aimer[1].

CLARICE.

1405De le croire à l’aimer la distance est petite :
Qui fait croire ses feux fait croire son mérite ;
Ces deux points en amour se suivent de si près,
Que qui se croit aimée aime bientôt après[2].

LUCRÈCE.

La curiosité souvent dans quelques âmes
1410Produit le même effet que produiroient des flammes.

CLARICE.

Je suis prête à le croire afin de t’obliger.

SABINE.

Vous me feriez ici toutes deux enrager.
Voyez, qu’il est besoin de tout ce badinage !
Faites moins la sucrée, et changez de langage,
1415Ou vous n’en casserez, ma foi, que d’une dent[3].

LUCRÈCE.

Laissons là cette folle, et dis-moi cependant[4],
Quand nous le vîmes hier dedans les Tuileries,
Qu’il te conta tant de galanteries,

  1. Var. Que je suis pour le croire, et non pas pour l’aimer. (1644-56)
  2. Var. [Que qui se croit aimée aime bientôt après.]
    LUCR. Si je te disois donc qu’il va jusqu’à m’écrire,
    Que je tiens son billet, que j’ai voulu le lire ?
    CLAR. Sans crainte d’en trop dire ou d’en trop présumer,
    Je dirois que déjà tu vas jusqu’à l’aimer.
    LUCR. La curiosité souvent dans quelques âmes.] (1644 in-4o)
  3. N’en casser que d’une dent signifie qu’on ne mangera point de quelque chose, qu’on n’en aura pas plein contentement, et qu’on n’obtiendra point ce qu’on prétend. Voyez le Dictionnaire de Furetière.
  4. Var. Laissons là cette folle, et me dis cependant. (1644-56)