Si tu l’aimes, du moins, étant bien avertie,
Prends bien garde à ton fait, et fais bien ta partie.
C’en est trop ; et tu dois seulement présumer
Que je penche à le croire, et non pas à l’aimer[1].
Qui fait croire ses feux fait croire son mérite ;
Ces deux points en amour se suivent de si près,
Que qui se croit aimée aime bientôt après[2].
La curiosité souvent dans quelques âmes
Produit le même effet que produiroient des flammes.
Je suis prête à le croire afin de t’obliger.
Vous me feriez ici toutes deux enrager.
Voyez, qu’il est besoin de tout ce badinage !
Faites moins la sucrée, et changez de langage,
Ou vous n’en casserez, ma foi, que d’une dent[3].
Laissons là cette folle, et dis-moi cependant[4],
Quand nous le vîmes hier dedans les Tuileries,
Qu’il te conta tant de galanteries,
- ↑ Var. Que je suis pour le croire, et non pas pour l’aimer. (1644-56)
- ↑ Var. [Que qui se croit aimée aime bientôt après.]
LUCR. Si je te disois donc qu’il va jusqu’à m’écrire,
Que je tiens son billet, que j’ai voulu le lire ?
CLAR. Sans crainte d’en trop dire ou d’en trop présumer,
Je dirois que déjà tu vas jusqu’à l’aimer.
LUCR. La curiosité souvent dans quelques âmes.] (1644 in-4o) - ↑ N’en casser que d’une dent signifie qu’on ne mangera point de quelque chose, qu’on n’en aura pas plein contentement, et qu’on n’obtiendra point ce qu’on prétend. Voyez le Dictionnaire de Furetière.
- ↑ Var. Laissons là cette folle, et me dis cependant. (1644-56)