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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/242

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Devoit en galant homme aller jusques à trois :
1605Toutes tierces, dit-on, sont bonnes ou mauvaises[1].

DORANTE.

Cliton, ne raille point, que tu ne me déplaises :
D’un trouble tout nouveau j’ai l’esprit agité.

CLITON.

N’est-ce point du remords d’avoir dit vérité ?
Si pourtant ce n’est point quelque nouvelle adresse,
1610Car je doute à présent si vous aimez Lucrèce,
Et vous vois si fertile en semblables détours,
Que, quoi que vous disiez, je l’entends au rebours.

DORANTE.

Je l’aime, et sur ce point ta défiance est vaine ;
Mais je hasarde trop, et c’est ce qui me gêne.
1615Si son père et le mien ne tombent point d’accord,
Tout commerce est rompu, je fais naufrage au port.
Et d’ailleurs, quand l’affaire entre eux seroit conclue[2],
Suis-je sûr que la fille y soit bien résolue ?
J’ai tantôt vu passer cet objet si charmant :
1620Sa compagne, ou je meure ! a beaucoup d’agrément.
Aujourd’hui que mes yeux l’ont mieux examinée,
De mon premier amour j’ai l’âme un peu gênée[3] :
Mon cœur entre les deux est presque partagé,
Et celle-ci l’auroit s’il n’étoit engagé.

CLITON.

1625Mais pourquoi donc montrer une flamme si grande,
Et porter votre père à faire une demande[4] ?

DORANTE.

Il ne m’auroit pas cru, si je ne l’avois fait.

  1. « Cette plaisanterie est tirée de l’opinion où l’on était alors que le troisième accès de fièvre décidait de la guérison ou de la mort. » (Voltaire.)
  2. Var. Et qui sait si d’ailleurs l’affaire entre eux conclue
    Rencontrera sitôt la fille résolue ? (1644-56)
  3. Var. De ma première amour j’ai l’âme un peu gênée. (1644-63)
  4. Var. Et porter votre père à faire la demande ? (1644-56)