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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/259

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IV.

Le lendemain, notre jeune homme, en toilette à la mode, nous donne en causant avec son nouveau valet (Tristan-Cliton) une seconde exposition plus gaie. On est dans un lieu fréquenté du beau monde, les Argenteries, las Platerias, ou la rue des Orfèvres[1] (comme les Tuileries chez Corneille, vers 5).

Diceme bien este traje[2] ?
Divinamente, señor.
« Dis-moi, me trouves-tu bien fait en cavalier[3] ? »

Le talent de Corneille fait de son côté les frais de cette causerie, avec un succès de style encore inouï, mais malheureusement gâté par quelques détails de mauvais ton. Il ne pouvait suivre son auteur dans ses railleries piquantes contre la mode tyrannique des larges fraises empesées ou golillas à la hollandaise ; il ne se hasarde pas non plus à imiter une folle tirade du valet sur le firmament diversement constellé des beautés de Madrid. Le rôle souvent agréable du valet gracioso comportait, surtout à cette place, de telles échappées de style et de gaieté, comme une sorte d’aria buffa, qui ne nuisait nullement à l’effet général, quoique dérogeant ici à la manière simple et châtiée de l’écrivain.

C’est à Corneille qu’appartiennent ces jolies maximes sur la façon de donner qui vaut mieux que ce qu’on donne[4] ; mais Alarcon insiste trop lui-même sur le précepte de libéralité en amour, qui ne s’applique dans la pièce qu’à des largesses envers des subalternes.

V.

Arrivent les deux jeunes dames, d’abord vues à distance. Leur voiture s’est arrêtée devant un orfèvre. Vive admiration de Garcia pour l’une d’elles, dont il voudrait savoir le nom. Le valet est sûr de faire parler leur cocher[5], épigramme peut-être plus proverbiale en Espagne qu’en France :

TRISTAN.

Pues yo, mientras hablas, quiero

  1. C’est aujourd’hui la Calle Mayor.
  2. Nous adoptons l’orthographe des éditions modernes espagnoles.
  3. Acte I, scène i, vers 7.
  4. Ibidem, vers 90.
  5. Voyez ibidem, vers 102-104.