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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/26

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zèle, et non pas des devoirs de votre naissance. Il a su d’elle que Rome[1] s’est acquittée envers notre jeune monarque de ce qu’elle devoit à ses prédécesseurs, par le présent qu’elle lui a fait de votre personne. Il a su d’elle enfin que la solidité de votre prudence et la netteté de vos lumières enfantent des conseils si avantageux pour le gouvernement, qu’il semble que ce soit vous à qui, par un esprit de prophétie, notre Virgile ait adressé ce vers il y a plus de seize siècles :

Tu regere imperio populos, Romane, memento[2].

Voilà, Monseigneur, ce que ce grand homme a appris en apprenant à parler françois :

Pauca, sed a pleno venientia pectore veri[3] ;

et comme la gloire de V. É. est assez assurée sur la fidélité de cette voix publique, je n’y mêlerai point la foiblesse de mes pensées, ni la rudesse de mes expressions, qui pourroient diminuer quelque chose de son éclat ; et je n’ajouterai rien aux célèbres témoi-

  1. Var. (édit. de 1648-1656) : Il a su que Rome.
  2. Virgile, Énéide, livre VI, vers 852 : « Toi, Romain, songe à gouverner les peuples. »
  3. Corneille emprunte ce vers, en le modifiant légèrement, au poëte qui lui a fourni le fond même de sa tragédie, à Lucain. Voici le passage d’où il l’a tiré (Pharsale, livre IX, vers 186-189) :

    Non tamen ad Magni pervenit gratius umbram
    Omne quod in Superos audet convicia vulqus,
    Pompeiumque Deis obicit, quam pauca Catonis
    Verba, sed a pleno venientia pectore veri.

    Brébeuf a ainsi paraphrasé ces quatre vers :

    Ce murmure animé, ces cris audacieux
    Qui reprochent Pompée à la rigueur des Dieux,
    Ces regrets arrivant à ces mânes insignes,
    Semblent n’être pour eux que des devoirs indignes ;