Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 4.djvu/356

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CLITON.

Comme toutes les deux jouënt leurs personnages !

MÉLISSE.

1015Souvent tout cet effort à ravoir un portrait
N’est que pour voir l’amour par l’état qu’on en fait.
C’est peut-être après tout le dessein de Madame[1] :
Ma sœur, non plus que moi, ne lit pas dans son âme.
En ces occasions il fait bon hasarder[2],
1020Et de force ou de gré je saurois le garder.
Si vous l’aimez, Monsieur, croyez qu’en son courage
Elle vous aime assez pour vous laisser ce gage :
Ce seroit vous traiter avec trop de rigueur,
Puisque avant ce portrait on aura votre cœur ;
1025Et je la trouverois d’une humeur bien étrange,
Si je ne lui faisois accepter cette échange[3].
Je l’entreprends pour vous, et vous répondrai bien
Qu’elle aimera ce gage autant comme le sien.

DORANTE.

Ô ciel ! et de quel nom faut-il que je te nomme ?

CLITON.

1030Ainsi font deux soldats qui sont chez le bonhomme[4] ;
Quand l’un veut tout tuer, l’autre rabat les coups ;
L’un jure comme un diable, et l’autre file doux.
Les belles, n’en déplaise à tout votre grimoire !
Vous vous entr’entendez comme larrons en foire.

MÉLISSE.

Que dit cet insolent ?

  1. Var. Que sait-on si c’est point le dessein de Madame ? (1645-56)
  2. Var. Si j’étois que de vous, je voudrois hasarder,
    Et de force ou de gré je le saurois garder. (1645-56)
  3. Les éditions de 1663-82 donnent cette échange, au féminin ; les précédentes et celle de 1692 font le mot masculin : cet échange.
  4. Var. Ainsi font deux soldats logés chez le bonhomme (a). (1645-68)

    (a) L’édition de 1692 et Voltaire, dans la sienne, ont adopté cette variante.