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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/112

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à Votre Majesté et non à Diego Velazquez, et comment Narvaez venait avec la perfide résolution de me massacrer, moi et quelques autres de mes compagnons qui lui avaient été signalés. J’appris en même temps que le licencié Figueroa, juge résident de l’île Espagnola, et les juges et officiers de justice de Votre Altesse, ayant su que Diego Velazquez préparait cette flotte, et dans quel but il la préparait, prévoyant le dommage dont cette entreprise menaçait les intérêts de Votre Majesté, avaient envoyé le licencié Lucas Vazquez de Ayllon, l’un des juges, avec pouvoir de requérir et ordonner à Diego Velazquez de ne point envoyer sa flotte. Ce juge, à son arrivée, rencontra Diego Velazquez avec toutes ses troupes à la pointe de File Fernandina et sur le point de partir ; il le requit donc ainsi que tous ceux qui faisaient parti de la flotte de ne point mettre à la voile, en raison du tort que cette expédition pourrait causer aux intérêts de Votre Altesse ; il les menaça même de peines et de châtiments qu’ils bravèrent, car nonobstant et malgré tout ce que le juge put dire, Velazquez expédia la flotte.

Je sus aussi que ce licencié Ayllon était au port de San Juan ; qu’il avait suivi la flotte, espérant que sa présence pourrait enrayer le mal ; parce que les détestables projets de l’expédition étaient notoires pour lui comme pour tout le monde. De mon côté je renvoyai le religieux à Narvaez avec une lettre dans laquelle je lui disais que j’avais appris de ce religieux qu’il était le capitaine de l’armée qui avait amené la flotte et que j’en étais heureux ; mais que, puisqu’il savait que j’étais dans ce pays pour servir Votre Altesse, je m’étonnai qu’il ne m’écrivît point, ou ne m’envoyât aucun messager pour m’annoncer son arrivée. Il savait que je ne pouvais que m’en réjouir ; soit que nous fussions d’anciens amis, soit que je fusse persuadé qu’il venait pour servir Votre Altesse, ce que je désirais le plus ; mais envoyer comme il avait fait, des espions et des agents pour corrompre mes hommes, et des lettres pleines de promesses ou de menaces pour les détacher de ma personne et les enlever au service de Votre Majesté, comme si nous étions les uns des infidèles et les autres des chrétiens, les uns sujets de Votre Altesse et les autres ses ennemis, c’était une vilaine action. Je