Aller au contenu

Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

le suppliai donc à l’avenir de renoncer à de tels agissements, mais qu’il me fît savoir la vraie cause de sa venue. On m’avait dit qu’il se présentait comme capitaine général et lieutenant de Diego Velazquez ; qu’il s’était fait proclamer comme tel dans le pays ; qu’il avait nommé des alcades, des regidors et des officiers de justice, ce qui violait ouvertement toutes les lois et le respect dû à Votre Altesse. Cette contrée, disais-je, appartenait à Votre Majesté ; elle était peuplée de ses vassaux ; elle avait ses conseils et sa justice organisés ; il était donc mal venu à en usurper les charges, à moins que pour les exercer il n’apportât des pouvoirs de Votre Majesté. Je le suppliais donc de présenter ces pouvoirs à moi et au conseil municipal de la Veracruz ; que nous obéirions, comme nous le devions, aux lettres et instructions de notre seigneur et roi, et que tout serait fait pour le mieux des intérêts de Votre Majesté ; je lui rappelai que j’habitais cette grande ville de Mexico, dont le souverain était en mon pouvoir, que j’avais amassé des quantités considérables d’or et de bijoux, appartenant partie à Votre Altesse, partie à moi et à mes compagnons ; que je ne pouvais abandonner la ville, de crainte que la population ne se révoltât, ce qui me ferait perdre mes trésors et la ville, après quoi je perdais la contrée tout entière. Je donnai en même temps au religieux une lettre pour le licencié Ayllon qui, lorsque ma lettre arriva, je le sus plus tard, venait d’être enlevé par Narvaez et envoyé à la Havane avec deux navires.

Le jour que le religieux partit, je reçus un messager de la ville de la Veracruz qui m’annonçait que tous les Indiens des environs s’étaient soulevés et joints à Narvaez et spécialement ceux de la ville de Cempoal et de ses environs ; que pas un ne voulait venir travailler ni à la ville, ni à la forteresse, ni à quoi que ce fût ; parce que Narvaez leur avait dit que j’étais un méchant homme, qu’il venait pour s’emparer de moi et de mes compagnons, nous emmener prisonniers et quitter le pays. Narvaez avait une troupe bien plus nombreuse que la mienne ; il avait beaucoup de chevaux et beaucoup d’artillerie, moi j’en avais fort peu ; qui donc serait vainqueur ? la conclusion était facile à déduire.