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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/127

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vingt d’entre eux eussent suffi pour arrêter l’assaut d’un millier d’hommes. Je fis ensuite mettre le feu à la tour ainsi qu’à plusieurs autres qui faisaient partie du grand temple d’où les Indiens avaient du reste retiré les saintes images que j’y avais mises.

La perte de la pyramide enleva aux Mexicains quelque peu de leur assurance et comme ils faiblissaient partout, je remontai sur ce balcon d’où je leur avais parlé précédemment pour adresser de nouveau la parole à leurs capitaines qui me semblaient démoralisés. Ils s’assemblèrent, je leur fis remarquer qu’ils ne pouvaient se défendre, que nous leur faisions chaque jour beaucoup de mal, que nombre des leurs succombaient, que nous incendions et détruisions leur ville et que nous les poursuivrions jusqu’à leur totale destruction. Ils me répondirent que nous leur faisions en vérité beaucoup de mal, et que nombre des leurs mouraient chaque jour, mais qu’ils étaient résolus à mourir tous pour en finir avec nous. « Regarde, disaient-ils, ces rues, ces places et ces maisons couvertes de monde : nous avons compté qu’en perdant vingt-cinq mille des nôtres contre un seul d’entre vous, nous viendrions à bout de vous tous ; vous êtes si peu nombreux en comparaison de nous autres ! tu sauras de plus que nous avons détruit toutes les chaussées qui conduisaient à la ville, à l’exception d’une seule ; vous n’avez plus d’autre chemin pour vous en aller que les eaux du lac ; vous n’avez plus que très peu de vivres et presque pas d’eau douce, et bientôt vous mourrez tous de faim, sans que nous prenions la peine de vous tuer. » Ils avaient en vérité bien raison ; car n’eussions-nous eu d’autres ennemis que la faim, la soif et le manque de vivres, ils auraient suffi pour nous exterminer tous en peu de jours. Nous discutâmes longtemps encore, chacun de nous plaidant sa cause ; la nuit venue, je fis une sortie, nous les prîmes au dépourvu et nous nous emparâmes d’une rue où nous incendiâmes plus de trois cents maisons. Comme les Indiens accouraient à la rescousse, je m’élançai dans une autre rue, où je brûlai également un grand nombre de maisons, de celles à plates-formes, voisines de notre demeure, d’où ils nous avaient fait tant de mal. Les incidents de cette nuit leur inspirèrent une grande terreur et ce fut cette