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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/217

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Ce fut en rentrant le soir à mon camp que j’appris le désastre subi par Alvarado ; le lendemain, de bonne heure, je m’en allai le rejoindre pour lui reprocher son imprudence, savoir ce qu’il avait gagné sur les ennemis et lui indiquer les moyens d’attaque et de défense dans ses prochaines escarmouches avec les Mexicains. Mais en arrivant à ses quartiers, je fus étonné de ses progrès du côté de la ville, du grand nombre de ponts et de mauvais passages dont il s’était emparé, et je trouvai sa conduite plus excusable. Après avoir causé de ce qu’il y avait à faire, je regagnai mon camp.

Je poussai de nouvelles pointes dans la ville, par les voies que j’avais coutume de prendre ; les brigantins et les canoas attaquaient de deux côtés ; j’attaquai de quatre autres côtés ; nous avions toujours l’avantage, et l’on tuait beaucoup de Mexicains parce que nos alliés indiens étaient chaque jour plus nombreux. J’hésitais cependant à pénétrer dans le cœur de la ville ; je voulais voir si les ennemis protesteraient contre les cruautés commises par nos alliés, et je craignais d’exposer mes gens devant des hommes si ardemment résolus à mourir. Devant ce retard, les Espagnols qui, depuis vingt jours, s’étaient battus sans relâche me pressaient de toutes manières pour que j’entrasse et me saisisse du grand Marché, parce que, ce point gagné, il ne resterait plus aux Mexicains que peu de place pour se défendre, et que s’ils refusaient de se rendre, ils mourraient de faim et de soif, n’ayant plus à boire que l’eau salée de la lagune. Comme je m’y refusais, le trésorier de Votre Majesté me dit que toute l’armée le demandait et que je n’avais plus qu’à me rendre. Je répondis au trésorier et à d’autres personnes qui l’appuyaient, qu’ils avaient raison et que j’en étais convaincu plus que personne, mais que je m’étais refusé jusqu’alors par suite de la pression qu’on me faisait subir, quoiqu’à bonne intention ; j’y voyais de tels dangers, qu’un homme prudent s’y refuserait ; mais ils insistèrent tellement, que je leur promis de faire ce que je pourrais, après m’être entendu avec les chefs des autres quartiers.

Le lendemain, je tins conseil, avec les notabilités de mon camp, et il fut convenu que j’avertirais le grand alguazil et