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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/235

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Mexico dans le même ordre que la veille ; nous suivîmes la grande rue qui conduit au Marché et nous nous emparâmes du grand canal que les Mexicains considéraient comme leur principale défense : on y mit un assez long temps, l’affaire fut dangereuse et comme le canal était fort large, nous ne pûmes de tout le jour achever de le combler, de manière que les chevaux pussent en profiter. Nous étions tous gens de pied ; les Mexicains voyant que les cavaliers n’avaient pu passer, s’élancèrent sur nous avec la plus grande bravoure ; mais nous les arrêtâmes, et comme nous avions une forte escouade d’arbalétriers, ils reculèrent jusqu’à leurs barricades en perdant beaucoup de monde. Outre leurs armes ordinaires, mes Espagnols avaient de longues piques que j’avais fait fabriquer après notre défaite et qui nous furent des plus utiles. Ce jour-là, des deux côtés de la grande rue, on n’entendait que le bruit de l’incendie et de l’écroulement des maisons, ce qui me faisait peine à voir ; mais nous y étions forcés par les circonstances. Les Mexicains témoins de ces dévastations encourageaient nos alliés indiens, leur disant qu’ils leur feraient bientôt reconstruire les palais qu’ils prenaient tant de peine à détruire, alors qu’ils seraient vainqueurs, ce qui ne pouvait tarder ; que, dans le cas contraire, ils auraient à les reconstruire pour nous ; et les malheureux avaient raison, seulement ce furent eux-mêmes qui durent plus tard les réédifier.

Le jour suivant, de bonne heure, nous pénétrâmes dans la ville comme d’habitude et en arrivant au grand canal que nous avions comblé la veille, nous le trouvâmes tel que nous l’avions laissé. Avançant à deux portées d’arbalète, nous nous emparons de douze tranchées que l’ennemi avait creusées dans le milieu de la même rue, et nous arrivons à une petite pyramide et son temple où nous trouvons les têtes de nos amis qu’on y avait sacrifiés, ce qui nous causa une grande douleur. De cette pyramide, la rue allait tout droit à la chaussée où se trouvait le quartier de Sandoval, et à gauche, une autre rue qui conduisait au Marché, où il n’y avait qu’une seule tranchée garnie de Mexicains. Nous n’allâmes pas plus loin, quoique nous eussions fort escarmouché avec les Indiens. Dieu, Notre Seigneur,