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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/277

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comme gouverneur du pays et qu’il le faisait proclamer par un interprète qu’il avait amené avec lui.

Il faisait dire aux Indiens qu’il les vengerait du mal que je leur avais fait dans la dernière guerre et qu’ils s’unissent à lui pour chasser du pays les Espagnols que j’y avais laissés, ainsi que ceux que je pourrais y envoyer, et autres incitations scandaleuses. Les naturels commençaient à s’agiter ; pour mieux confirmer mes soupçons sur l’alliance de Garay avec l’amiral et Diego Velazquez, une caravelle venant de Cuba arriva quelques jouis après à la rivière Panuco ; elle avait à bord des amis et des serviteurs de Diego Velazquez et une créature de l’évêque de Burgos, qui se disait gouverneur du Yucatan ; enfin tout l’équipage n’était composé que d’amis, de parents et de serviteurs de Diego Velazquez et de l’amiral.

À cette nouvelle, quoique le bras en écharpe d’une chute de cheval et au lit, je résolus d’aller trouver Garay et tâcher d’arranger l’affaire. J’y envoyai de suite Pedro de Alvarado avec tout son monde : pour moi, je devais partir deux jours après. Mon lit et mes bagages étaient en chemin et se trouvaient à dix lieues de Mexico où je devais les rejoindre, quand vers les minuit m’arriva un courrier de la Veracruz. Il m’apportait une lettre arrivée d’Espagne par un navire, en même temps qu’une cédule portant le sceau de Votre Majesté qui ordonnait à Francisco de Garay de n’avoir point à se mêler des affaires du Panuco ni de quelque autre province où j’aurais colonisé, et dont Votre Majesté me donnait le commandement ; faveur pour laquelle je baise cent mille fois les pieds royaux de Votre Impériale Majesté.

À l’arrivée de cette cédule, je renonçai à mon voyage, ce qu’exigeait du reste le soin de ma santé, car il y avait soixante jours que je ne dormais pas ; j’étais surchargé de travail, et me mettre en route dans ces conditions, c’était exposer ma vie. Mais j’aurais passé sur toutes ces considérations, préférant mourir en ce voyage, plutôt que de ne pas faire mon possible pour empêcher le scandale, les troubles et les morts qui en eussent été la conséquence. Je dépêchai immédiatement Diego Docampo, grand alcade, chargé de la cédule, avec ordre de