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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/345

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qu’on eût ferré les chevaux ; et quoique nous eussions deux maréchaux-ferrants et plus de dix hommes pour les aider à planter les clous, ils ne purent achever leur besogne ce jour-là.

Je m’en allai camper à trois lieues plus loin ; nombre de mes gens restèrent en arrière à cause des chevaux qui n’étaient pas ferrés et pour attendre les bagages que les grandes pluies avaient retardés. Le jour suivant, je partis sur le conseil de mes guides, qui me dirent que nous arriverions de bonne heure à une hôtellerie appelée Asuncapin qui appartenait au seigneur de Tayasal.

Après quatre ou cinq lieues de marche nous arrivâmes à cette maison qui était déserte. J’y restai deux jours pour attendre les bagages et rassembler quelques provisions, après quoi je me remis en route pour aller coucher dans une autre hôtellerie, à cinq lieues de la première, nommée Taxuytel et qui appartient à Amohan, cacique de Thecon ; là se trouvaient des plantations de cacao et des champs de maïs encore verts. Ici, les guides et le majordome de cette maison qui s’y trouvait avec sa femme et son fils, me dirent que nous avions à passer au milieu de montagnes âpres et sauvages, entièrement inhabitées, avant que d’arriver à d’autres maisons qui appartiennent à Canek, seigneur de Tayasal, et qui se nomment Tenciz. Après nous être bien reposés nous partîmes et traversâmes six lieues de plaine pour entrer dans les gorges les plus merveilleuses qui se puissent imaginer. Dire les aspérités étranges, le pittoresque et le grandiose de ces rochers et de ces montagnes, me semble chose impossible ; on ne saurait pas plus le dépeindre que le faire comprendre. Que Votre Majesté sache seulement qu’il fallut douze jours pour que le dernier de nous franchit ce passage de huit lieues à peine et que nous y perdîmes soixante-huit chevaux tombés dans les précipices et morts de fatigue ; quant aux autres, ils étaient dans un tel état que nous pensions ne plus pouvoir nous en servir et qu’ils furent trois mois a se remettre. Pendant que nous étions engagés dans cette gorge, il ne cessa ni jour ni nuit de pleuvoir et le sol des montagnes était composé de telle façon qu’il ne retenait pas une goutte d’eau : de sorte