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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/384

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Après avoir expédié ce navire pour la Nouvelle-Espagne, étant très fatigué de ma dernière sortie en mer, je me trouvai hors d’état d’entreprendre une expédition dans l’intérieur ; je tenais de plus à être là, pour recevoir les navires qui pourraient arriver et m’occuper de choses pressantes. J’envoyai donc à ma place un lieutenant avec trente chevaux et autant de piétons qui pénétrèrent à trente-cinq lieues de là dans une délicieuse vallée, couverte de grands villages, riches en toutes espèces de productions. Cette grande vallée serait propre à l’élevage des bestiaux et à la culture de toutes les plantes d’Espagne.

Mes hommes n’eurent aucune difficulté avec les gens de cette province, ils s’entretinrent avec eux au moyen des interprètes et des Indiens qui étaient déjà de nos amis, de sorte que plus de vingt caciques des principaux villages vinrent me trouver, pour se déclarer sujets et vassaux de Votre Altesse, prêts à se conformer à ses ordres, ainsi qu’ils l’ont fait jusqu’à ce jour. À partir de ce moment jusqu’à l’époque de mon départ, j’ai toujours eu un grand nombre d’entre eux dans ma compagnie, les uns venant, les autres allant, m’apportant des vivres et faisant tout ce que je leur demandais. Plaise à Dieu de nous les conserver et que tout s’arrange au mieux des intérêts de Votre Majesté : j’espère qu’un si beau commencement ne saurait avoir une mauvaise fin, que par la faute des gouvernants.

La province de Papayeca et celle de Chapagua qui les premières s’offrirent comme vassales de Votre Majesté et nos amies, furent les premières à s’émouvoir ; à mon retour, elles craignirent quelques représailles de ma part ; je les rassurai. Elles m’envoyèrent quelques personnages, mais jamais les caciques ne vinrent eux-mêmes, et ils enlevèrent toujours de leurs villages leurs femmes, leurs enfants et leurs biens, quoique plusieurs d’entre eux se missent à notre service. Je les engageai à repeupler leurs villages, ils s’y refusèrent toujours, en me disant : demain, demain. Je fis donc en sorte de m’emparer de ces caciques, qui étaient trois, Thicohuytl, Mendereto et Poto. Une fois entre mes mains, je leur fixai une date au delà de laquelle, s’ils n’avaient point abandonné les montagnes et repeuplé leurs villages, ils seraient traités en rebelles, les