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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/396

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recours à deux moyens qui ont, à ce qu’il me semble, altéré quelque peu le jugement de Votre Majesté à mon sujet et refroidi la bienveillance que Votre Grandeur montrait à me récompenser de mes services.

Le premier, c’était de m’accuser devant Votre Puissance, du crime de lèse-Majesté, disant que je n’obéissais pas à ses commandements royaux ; que je n’occupais point cette contrée en votre nom puissant, mais sous forme de tyrannie indicible, en donnant des raisons dépravées et diaboliques. J’ose dire que si on examinait mes œuvres, le jugement porté par des juges impartiaux serait absolument le contraire ; car jusqu’à ce jour, il ne s’est point vu et tant que je vivrai, il ne se verra jamais, que devant moi, ou à ma connaissance, une lettre, ordre ou mandement de Votre Majesté, qui ne soit obéi et exécuté sur l’heure, et c’est en quoi se voit la malice de mes calomniateurs.

Car si j’avais eu les intentions qu’ils me prêtent, je ne serais point allé à six cents lieues de cette ville, au milieu des forêts désertes et sur les routes les plus dangereuses, pour laisser ma conquête aux mains des officiers de Votre Majesté, que je devais croire les plus à même de veiller aux intérêts de Votre Altesse, quoique à leurs œuvres je visse que je m’étais trompé sur leur compte.

L’autre moyen consistait à dire que je me suis emparé personnellement de cette contrée, de la plus grande partie au moins, et de ses habitants, dont j’accapare le travail, avec lequel je me suis procuré des sommes énormes d’or et d’argent que j’ai thésaurisées ; que j’ai gaspillé soixante mille piastres du trésor de Votre Majesté, que je n’ai point envoyé autant d’or à Votre Excellence qu’il lui en revenait de ses rentes et que je le déliens pour mille raisons que je ne saurais dire. Ils auront évidemment donné couleur à cette calomnie, qui ne peut m’atteindre et dont la fausseté sera reconnue. Quant à posséder une grande partie de la contrée, j’avoue en avoir tiré des sommes considérables ; mais toutes considérables qu’elles soient, elles ne m’empêchent point d’être pauvre et d’être endetté de plus de cinq cent mille piastres d’or, sans avoir un maravédis pour les payer. Car, si j’en ai reçu beaucoup, j’en ai