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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/40

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part sont très hautes : mais l’une d’elles[1] dépasse en hauteur toutes les autres ; du sommet l’on découvre une grande partie de la terre et de la mer, et elle est tellement élevée, que si le jour n’est pas très clair on n’en peut apercevoir le sommet, parce que toute la partie supérieure est couverte de nuages ; quelquefois, quand il fait très beau, la cime se voit par-dessus les nuées, et elle est si blanche que nous pensâmes que c’était de la neige, encore que les naturels nous assurent que c’est bien de la neige. Ne l’ayant pas bien vue quoique nous nous soyons approchés de fort près, nous n’osons l’affirmer, d’autant plus que la région est fort chaude. Nous nous empresserons de nous renseigner à ce sujet, comme en d’autres dont nous avons quelques notices, afin d’en faire pour Vos Altesses Royales une relation exacte ainsi que des richesses en or, argent et pierres précieuses. Vos Majestés en pourront déjà juger d’après des échantillons que nous envoyons à Vos Altesses Royales. À notre avis, on peut croire qu’il y a en cette contrée autant de richesses que dans celle où Salomon trouva de l’or pour l’édification du temple. Mais comme il y a peu de temps que nous y sommes, nous n’avons pu explorer plus de cinq lieues dans les terres et une douzaine le long des côtes ; nous en avons vu bien davantage pendant notre navigation.

La population qui occupe le pays, de l’île de Cozumel et la pointe du Yucatan à l’endroit où nous sommes, appartient à une race de taille moyenne, de corps bien proportionné, avec cette particularité, que dans chaque province ils modifient eux-mêmes leurs physionomies ; les uns se perçant les oreilles pour y mettre de grands et vilains objets, d’autres se perforant les cartilages du nez pour y introduire de grandes pierres rondes qui paraissent des miroirs, et d’autres se perçant la lèvre inférieure jusqu’aux dents, pour y pendre de grandes roues d’or ou des pierres si lourdes, qu’elles leur font des lèvres tombantes qui les rendent absolument difformes.

Leurs vêtements sont faits d’une espèce d’étoffe de gaze couverte de peintures ; les hommes cachent leurs nudités et

  1. C’est l’Orizontale.