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Page:Cortés - Lettres à Charles Quint, trad. Charnay, 1896.djvu/71

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Tlascaltecs ; les citoyens notables portent par-dessus leur costume ordinaire une espèce de burnous quelque peu différent de ceux d’Afrique en ce qu’ils ont des poches, mais par la forme et les franges ils sont à peu près semblables. Tous ont été et sont restés depuis notre affaire les fidèles sujets de Votre Majesté. Tous obéissent à ce que je leur commande en votre nom royal et je crois qu’ils seront toujours aussi soumis. Cette ville a toute sa campagne admirablement cultivée, parce que la terre en est fertile et d’une irrigation facile ; c’est en même temps une ville aussi belle qu’aucune d’Espagne, se développant dans une plaine et parsemée de hautes tours. Je puis affirmer à Votre Altesse, que du haut de l’une de ces tours j’en comptais plus de quatre cents autres, qui toutes sont des temples. C’est la ville où les Espagnols pourraient prospérer le mieux, par suite de ses plaines bien irriguées où l’on pourrait se livrer à l’élevage des bestiaux, ce que je n’ai encore observé nulle part. La population y est si dense, qu’il n’y a pas un morceau de terre qui n’y soit cultivé, et cependant combien manquent de toutes choses et soutirent de la faim. Beaucoup de pauvres gens, en effet, s’en vont par les rues et les marchés, implorant les riches, comme cela se passe en Espagne et autres pays civilisés.

J’entretins les messagers de Muteczuma du complot qu’avaient organisé contre moi les gens de la ville, et comment les notables m’avaient affirmé qu’ils n’avaient agi que d’après les conseils de leur prince ; je leur dis que cela était indigne d’un grand seigneur comme lui, de m’envoyer les plus hauts personnages de sa cour pour m’assurer de son amitié, et de me faire attaquer par des étrangers, pour se déclarer irresponsable, si la chose ne réussissait pas. J’ajoutai que, puisqu’il m’avait manqué de parole, qu’il m’avait trompé, je changerai moi aussi de résolution.

J’avais jusqu’alors l’intention d’aller le voir pour rechercher son amitié et causer avec lui, de bonnes relations et de paix ; maintenant j’entrerai dans son royaume en ennemi, bien décidé à lui faire la guerre et tout le mal que je pourrai ; que cela me coûterait d’autant plus, que j’avais ardemment désiré son amitié et que j’aurais toujours voulu prendre son avis sur les choses qu’il convenait de faire en ce pays.