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Page:Courouble - La Famille Kaekebrouck,1902.djvu/105

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FERDINAND MOSSELMAN

la langue pendante ; elles galopaient, les pauvres, d’une course lassée, se retournant parfois pour jeter un coup de croc aux chiens anhélants qui les poursuivaient et dont la meute en folie grossissait à chaque coin de rue.

Les marchands de comestibles commençaient la toilette de leur vitrine, avançant avec mille précautions jusqu’au bas de la glace, de petites caisses où s’alignaient, sur des feuilles de vigne, cinq à six fraises pâles, chlorotiques, couleur de poisson rouge mort…

Et dans toutes les rues, par les soupiraux des cuisines, sortait le bruit dur du kip-kap hâchant, pour les soupes vertes, l’herbe tendre, le cresson, le persil, le pourpier doré…

Soudain, le jeune homme apparut sur le marché tout resplendissant de giroflées et de fleurs-de-beurre.

— Eh sacrebleu, s’écria-t-il, mais c’est le printemps !

C’était lui ! Un printemps hâtif, charmant, une récompense du ciel en retour d’une longue suite d’années noires sombrées dans une pluie éternelle.