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Page:Courouble - La Famille Kaekebrouck,1902.djvu/16

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vi
PRÉFACE

Fait-il bon vivre en ce pays ?

Oui, étoiles, c’est le bas de la ville ! Là, des brasseries, aux jours des cuvées, font traîner par les rues des brouillards qui sentent le houblon, tandis que dans les tonnes vides résonnent les bruits des brosses qui frottent, et des marteaux qui clouent les cercles.

Au crépuscule les bons cabarets, ceux de la Porte Rouge, du Saint-Pierre, du Tonnelier, et plus loin celui de la Tête de Mouton, chez Vogeleer, s’allument : leurs fenêtres posent de joyeux trous d’or dans le paysage urbain qui pâlit un peu avant de s’envelopper dans la nuit. À l’intérieur, les comptoirs reluisent, les zincs brillent : rougeaudes, les bras nus, avec l’air d’être fraîchement peintes par Jordaens, les seins crevant leur corsage, du poil blond à leur nuque ambrée, les servantes apportent les verres de bière brune aux chalands qui commencent à envahir l’estaminet. Ils pincent les gaillardes à la taille et les appellent, tandis qu’elles rient d’un rire vigoureux, de ce nom doux, ou le Bruxellois glisse sa tendresse comme en un caramel :

— Crotje !

Dans ces caves, qui entassent les tonneaux ainsi que des trésors, et au cœur desquelles, par les