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Page:Courouble - La Famille Kaekebrouck,1902.djvu/173

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FERDINAND MOSSELMAN

deux béquilles humaines. On le poussait dans le fiacre, qui virait et repartait avec fracas dans la direction de l’Amigo. Et la place retombait à son grand silence.

— Pauvre diable ! murmurait Mosselman.

Il songeait aux misères de la vie, à la fatale différence des sorts. « Par quel hasard ne suis-je pas cet homme, et pourquoi cet homme n’est-il pas l’heureux Mosselman ? »

Il marchait toujours, sans souci de l’heure, l’esprit visité par des pensées courtes, les plus disparates, mais qui toutes le ramenaient au sentiment, au carrefour de son bonheur.

Il jouissait intensément et le méritait. D’esprit narquois, enclin au persiflage, il était tendre de cœur. Sous une apparence railleuse, il n’y avait pas d’être qui ne ressentît chaque jour plus profondément que lui des tas de petites douleurs. Son âme était absurdement réceptive et vibrante. Souvent, il s’en est effrayé comme d’un commencement de sénilité.

La vue d’un chien errant, d’un pauvre vieux cheval aux jambes couronnées, le plongeait dans une tristesse infinie, absorbante, pendant plusieurs jours.

Il faisait de longs détours pour ne point voir