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FERDINAND MOSSELMAN

les colporteuses traquées par les policiers, tant ce spectacle affreux le remplissait de chagrin et de colère.

Sa pitié allait même aux anguilles qui se tordent sur le couvercle d’osier des grands paniers et que le marchand écorche, dégante de leur peau, devant une galerie d’impassibles et féroces gamins. Les homards expirant sur le marbre des poissonneries lui fendaient le cœur, et il continuait longtemps de voir osciller entre leurs pinces cette petite mécanique qui est comme le métronome de leur agonie…

Et le navraient aussi, les jolis chevreuils éventrés, pendus à des crocs, la tête en bas, ou jetés dans un pêle-mêle décoratif sur le seuil sanglant des maisons où l’on dîne. Jusqu’aux sangliers hérissés, vautrés la hure entre les pattes, qui savaient l’attendrir !

Et puis, il trouvait encore l’émotion dans une foule de faits insignifiants pour tous autres, et dont le côté sentimental n’existait peut-être bien que pour lui.

On pense si la vie lui était souvent pénible. Mais aujourd’hui, la joie de Mosselman était souveraine. Comme il béait aux étoiles, il aperçut, voguant dans le ciel pur, une caravelle à la coque