Aller au contenu

Page:Courouble - La Famille Kaekebrouck,1902.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
161
FERDINAND MOSSELMAN

et aux voiles d’or : c’était, dessus l’historique maison de l’Armateur, la vieille girouette éclairée de lune.

Il revoyait le petit vaisseau gai ou sinistre, selon le caprice des ciels divers. Par exemple, quand il tournait affolé dans le vent, au milieu d’épais nuages couleur d’encre, il évoquait toujours pour lui le terrible naufrage du Saint-Géran, et la mort de la si bêtement chaste Virginie. Ce soir, il brillait dans l’air tranquille, et semblait l’heureux navire cinglant vers une étoile promise, paradis du firmament…

Cependant, la place s’était assombrie : des hommes venaient d’éteindre un réverbère sur deux, la lune s’éloignait dans le ciel et l’obscurité avait envahi le milieu du terre-plein.

Alors, il vit un spectacle étrange : des formes humaines, étendues sur les bancs du marché, se dressèrent comme des morts qui ressuscitent et se prirent à courir sous les gros marronniers, où s’agitaient déjà une foule d’autres fantômes. Intrigué, Ferdinand s’approcha du quinconce et distingua des hommes et des femmes, occupés silencieusement à une besogne dont, dans sa vision d’artiste, il ne cherchait pas à deviner la cause. Ces êtres fantastiques traçaient de larges