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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/23

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15 mars.

Diankoro. — Premier village dans la direction de N’Zérécoré. Nous ne savons quel palais y choisir, mes nouveaux porteurs et moi. Partout de belles cases toutes neuves et désertes. Peu sont habitées. Un chef et des notables éplorés. Leur village est fini ! Le village, c’étaient eux, les Malinkés, de la race conquérante, avec leurs captifs tomas ou guerzés, hommes de la forêt anciennement pris à la guerre.

Les réclamations respectives des maîtres et des esclaves allaient au poste de Beyla. L’administrateur a fini par dire aux seconds : « Si vous n’êtes pas contents de vos maîtres allez-vous-en ; les Français ne reconnaissent pas l’esclavage. » Ils ne le savaient pas encore très bien. Ils sont partis. Ils ont abandonné les jolies cases qu’ils venaient de faire et sont allés à la recherche de leurs familles. Les maîtres, restés seuls, se lamentent et maudissent les Français, mais ils me disent :

— Nos captifs ne peuvent pas vivre sans nous, ils vont revenir.

Cela n’est pas sûr. Voici quelle est la nature de leurs litiges avec les captifs d’après les séances du tribunal indigène, dit de subdivision.

Premier cas. Un individu vient réclamer sa femme soi-disant infidèle. Il a, dit-il, versé 600 francs de dot pour l’épouser, il y a vingt-cinq ans, et elle l’a abandonné depuis quelques semaines.

Renseignements pris, non-seulement elle n’a jamais eu d’enfants avec lui, mais elle n’a jamais partagé sa couche. Il s’agit d’une esclave achetée en effet 600 francs mais qui, apprenant la libération générale, en a profité.

Deuxième cas. Un ancien captif libéré, Moriba, avait obtenu du chef de village, la promesse d’avoir sa fille Aoua, alors petite, en mariage. Il avait obtenu cette promesse un jour que le chef avait besoin d’argent pour acheter un cheval et caracoler. C’était en 1908. Il lui avait d’abord, devant témoins, donné 150 francs en guinzés[1], puis deux bœufs devant servir à l’achat du cheval ; plus tard encore il avait fourni une vache pleine et une génisse. Mais quand Moriba réclama la fille devenue pubère, il lui fut répondu : « Je

  1. Monnaie de fer.
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