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Page:Cousturier - La Forêt du Haut-Niger, 1923.pdf/71

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à condition qu’ils ne quitteront pas le village et ne cesseront pas d’y cultiver le riz et d’aider, ainsi que leurs enfants, leur chef généreux. Il paraît que les intéressés se trouvent bien de la combinaison. Elle est en tous cas une forme ingénieuse de servage et bien digne de ce peuple toma si spirituel. « Mes épouses, dit le bon chef aux passants, sont vos épouses et vous êtes tous mes enfants. »

L’interprète doit avoir autant de femmes qu’un chef toma mais, malinké et musulman, il a contracté l’orgueil jaloux de mâle auprès des arabisants et des Français qui l’ont instruit.

Un soir que je me suis arrêtée chez lui je lui demande avant de partir de me présenter ses femmes. C’est en face de sa case, rectangulaire comme celle des Français, que se trouve la case de ses épouses, large, mais ronde, à l’indigène. D’où je suis assise et d’où il est assis lui-même, sous sa vérandah, on en voit la porte en bois plein. Pendant tout le temps de ma visite je remarque que cette porte est restée fermée. Quand je prends congé, le mari et maître l’ouvre sur ma prière, sans empressement, et appelle plusieurs personnes aussi froidement qu’au tribunal, des accusés. Trois femmes se lèvent entre une vingtaine qui sont réunies. Elles viennent me saluer et je leur serre la main. Je demande au mari qui sont les autres femmes qui les entourent : « Des parentes » me répond cet ogre.

— Les femmes noires m’avait-il dit un jour avec amertume, n’aiment pas leurs enfants puisqu’elles n’hésitent pas, pour obtenir le divorce d’avec leur mari, à les lui abandonner selon la coutume.

Il a trop, à mon avis, généralisé. Ce sont ses propres femmes qui n’aiment pas leurs enfants… Autant qu’elle le haïssent !


Je me promène souvent avec Moriama dans le village même, ou en dehors, en pleine forêt. Nous faisons fuir quelques oiseaux et Moriama me dit que les indigènes racontent sur eux beaucoup d’histoires. Quand je la presse de m’en raconter, elle me dit qu’elle n’en sait plus, la menteuse, pour se débarrasser de moi. Parfois cependant, un mot lui échappe. À propos du toucan, qui répète ses notes elle me dit :

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