Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/43

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une spécialité se décore d’arabesques — or sur fond rouge — ou bien peut-être à cause du barman dont la veste de toile blanche et les gestes aux précisions menues sont d’Extrême-Orient.

Prévenu contre ce snobisme qui des maisons de nuit et du sleeping a fait les accessoires de toute une littérature, j’avais en outre, au cœur de l’été, un désir de boissons vraiment fraîches, fruits pressés dans l’eau sans chaleur d’alcool ; bien des soirs pourtant l’ennui m’avait déjà condamné à ce bar où la torture des soifs compliquait sans s’apaiser le mélange de glace et de liqueurs.

Lorsque le chasseur accoucha de notre couple la vieille Renault, j’eus mal de renaître là où les lumières et les bruits semblaient me condamner à autant de blessures. Pourtant je ne voulus point, dans la réincarnation, connaître le spleen d’une vie antérieure, et dès la porte aux nervosités du banjo, j’allumai un triomphe. Dans les glaces, indéfiniment, ma jeunesse encore sut feindre la joie.

Crapauds collés pour quelque fornication, des professionnels exécutaient les pas à la mode. Autour d’eux une poussière de poudre de riz et le malaise des parfums ; les femmes semblaient s’être taillées de nouvelles lèvres à même les bâtons dont elles les rougissent pour l’ordinaire ; et ces lèvres, dès qu’elles s’approchaient des verres, on avait peur de les voir s’y écraser ; alors je veux oublier que ces lieux où les vices sont vendus à prix marqués ne dépassent point en intérêt les rayons « Meubles de style » de n’importe quel grand magasin ; je goûte la mixture offerte ; plafond, mollusque de céruse, où les yeux qui éclatent n’ont même pas l’or dont ruissellent en paillettes ceux des