Page:Crevel - Détours, 1924.djvu/87

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Connaître la vérité sur Léila, c’était quant à moi savoir à quoi me condamnerait sa présence.

Préciser mon état d’âme s’affirmant le seul moyen de deviner qui s’en trouvait responsable, j’aurais pu dire : « Tout ce qui n’est pas moi me demeure étranger », mais je restais trop timide pour regarder l’univers comme un bien propre, et puis je redoutais une attitude à la fois systématique et vulgaire, au reste dépourvue de toute signification depuis les phrases bien « domaine public » comme : « Après moi le déluge. »

Cher vieux Condillac, dont la statue fait rêver le printemps des bacheliers philosophes, je n’étais pas odeur de rose, mais à tout avouer une étoffe, une toile, un vélin où des petites figures s’appelaient Léila, Cyrilla, Cyrille ; la plus grande au dîner des Boldiroff fut Léila. Pas une minute pourtant, je n’imaginai la possibilité de quelque intrigue entre elle et moi ; ses discours m’agaçaient, je la trouvais prétentieuse et Cyrilla m’attendrissait au contraire par sa tristesse d’enfant sage.

Fumoir.

Silence.

Malaise que nos cigarettes font plus vague, mais ne dissipent point. Je me lève : « Au revoir, au revoir. »

L’Hindoue est partie avec moi. Elle me demande de la reconduire jusqu’à sa porte ; mais tel est son besoin de parler qu’à peine descendue elle me prie de la mener dans un café où, prétend-elle, « il lui sera plus facile de me dire ce que je dois savoir tout de suite ».

Grâce à son habitude d’habiller de mystère les moindres