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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/102

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LE ROI

j’aurai bien le temps de vous décider à mon grand projet.

— Votre intention de m’emmener à Pau ?

— Je m’y entête. (Il sourit) Vous aimez caqueter, c’est permis à vous, mais en ma province et loin des faux-semblants de la cour qui ne sont que fraude et malice… De pardieu ! qu’ai-je dit ?

— Ah ! soupira-t-elle, votre jalousie me rompt l’âme. Si j’écoutais mon trouble, je retarderais ce mariage par crainte d’ensuivre un chemin où n’y a peut-être qu’embûches. Vous ai-je persécuté pour votre pucelette agenoise ? (Elle essuya ses yeux sans pleurs) Mentez point ! Voyez, mon tout, comme nos promenées se terminent : au lieu de colombeaux qui s’en vont se baisant et suçant le bec, vous me trépercez de vos plaintes. Faut connaître au voile la nonne. Je suis de ligne royale, gentilfemme qui ne peut aimer qu’un héros, et en mon cœur mien, déjà, votre nom s’écrivait ainsi.

Il lui prit la taille dans ses mains fortes, la courba comme un roseau frais :

— Pardon ! Pardonnez-moi ! Quartier à ma douleur ! Rendez à mes yeux votre doux visage ! (Elle se laissa recaresser) Ne soyez point triste ; me voici à vos genouillons, je suis sous le jet de votre flèche, je tremble… (Il parlait, essoufflé d’amour, par courtes phrases gentilles) Ah ! disait-il à demi-voix, mes paroles ne tournent pas au devideau, tant bondissent que je puis à peine les ressaisir. (Elle le frôlait de ses longs ongles) Que vous sentez fin, mie, le muguelias ? Penchez votre