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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/309

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LE ROI

On disait de leur bande : petit et bon. Hautains, jamais oisifs, n’ayant jamais su s’il était midi ou huit heures, l’air buté à tout sauf au roi, vertueux par-dessus l’épaule, sobres, les jambes d’une raide venue, le poing fait au maillet, le sang aux ongles et voyant d’un œil plus que de deux, ils apparaissaient sur leurs chevaux le vivant engin de la mort. Un détail de toilette, unique, désignait leur race, indiquait un frisson, un rêve, le point d’argile de ces blocs. En travers des plastrons, chacun à la couleur d’une Dame, de multicolores satins bouffaient sur leurs imployables thorax écharpes turquoise, zinzolin, orange, bleu-mourant, paille, écarlate, gris d’été, souci, ceil-de-nonne, argent, lin, perle, céladon. Fermes sur leurs bêtes nues qui n’avaient ni bardes ni chanfreins, ils montraient dans leurs rangs les divers types militaires, depuis l’adolescent cadet, échappé de manoir, à la dent plus longue que la moustache, jusqu’au vieux soudard d’Italie ; mais, anciens ou nouveaux, riches ou affamés, ardents ou moroses, qu’ils eussent coquette barbe « à la balayeuse » peignée en l’air, ou toute grise « à la savetière » qui ne croit que par les rivets, une vie commune, la même direction et discipline, cent assauts sous un chef et le compagnonnage du danger les faisaient magnifiquement reconnaître au milieu des autres : cette troupe de six cents hommes, arme du roi et fleur des batailles, était la Noblesse Française, la Cornette Blanche.