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Page:Daudet - Jack, II.djvu/302

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quelqu’un, Hirsch ou un autre, couché la nuit sur le divan. Les soirées lui paraissaient lugubres, parce qu’il était environné du désordre, de la poussière, que toutes les femmes, même cette folle d’Ida, savent éviter autour d’elles. Le feu ne chauffait pas, la lampe brûlait mal, des courants d’air soufflaient sous les portes ; et saisi dans son égoïsme, dans ce qu’il avait de plus sensible, d’Argenton regretta sincèrement sa compagne. Il devint véritablement malheureux à force d’avoir voulu le paraître. Alors, pour se distraire, il essaya de voyager ; mais le voyage ne lui réussit guère, à en juger du moins par le ton lamentable de sa correspondance.

— « Ce pauvre d’Argenton m’a écrit une lettre navrante… » se disaient les Ratés entre eux en s’abordant d’un air à la fois contrit et satisfait. Il leur en écrivait à tous, de ces « lettres navrantes. » C’était ce qui remplaçait « les mots cruels. » De loin comme de près, une idée fixe le rongeait : « Cette femme se passe de moi, elle est heureuse sans moi, par son fils. Son fils lui tient lieu de tout. » Cette pensée l’exaspérait.

— Fais donc un poëme là-dessus, lui dit Moronval en le voyant aussi désolé au retour qu’au départ… Ça te soulagera. »

Immédiatement il se mit à l’œuvre, et les rimes se suivant avec le système de travail sans rature dès longtemps adopté par le poëte, il eut bientôt composé le