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Page:Daudet - La doulou (la douleur) 1887 - 1895 ; Le trésor d’Arlatan (1897), 1930.djvu/58

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Longtemps j’ai eu l’effroi de la petite voiture, je l’entendais venir, rouler. J’y songe moins à cette heure, et sans l’épouvante des premiers jours. Il est rare qu’on souffre, paraît-il, quand on en est là… Ne plus souffrir…

Piqûre de morphine. Plusieurs fois faite à un certain endroit de la jambe : picotement suivi d’une insupportable brûlure dans le dos, le haut du torse, à la face, aux mains. Sensation sous-cutanée, sans doute superficielle mais terrorisante : on sent l’apoplexie au bout.

Écrit pendant l’une de ces crises.

Imbéciles qui supposent que je suis venu à Venise pour être quelques instants l’hôte de l’Empereur d’Allemagne.

Comme si la douleur n’était pas la plus despotique, la plus jalouse des hôtesses impériales.

Je voudrais vivre terré comme une taupe, seul, seul.

Ô ma douleur, sois tout pour moi. Les pays dont tu me prives, que mes yeux les trouvent dans toi. Sois ma philosophie, sois ma science.

Montaigne, vieil ami ; plaint surtout les douleurs physiques.

Croissance morale et intellectuelle par la douleur, mais jusqu’à un certain point.

Don Juan blessé, amputé. Ce serait un beau drame à écrire. Lui qui « les connaît toutes », le montrer soupçonneux, rongé, se traînant