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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/300

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AVRIL 1764

29. — Racine à M. de Voltaire, des Champs-Élysées. Tel est le titre d’une Epître qu’un anonyme[1] adresse au commentateur de Corneille. C’est une plaisanterie facile et légère sur l’affectation avec laquelle M. de Voltaire oppose sans cesse ce rival à Corneille, pour le déprimer, le dégrader, le mettre au-dessous de rien. Quant au style, cette fiction ingénieuse vaut toutes les dissertations qu’on pourrait faire sur cette matière. On y donne en passant différens coups de patte aux écrits les plus répréhensibles de l’auteur. Celui d’une pareille facétie paraît avoir du talent pour ce genre d’ouvrages.

30. — Les Comédiens Français ont ouvert aujourd’hui leur théâtre par un compliment très-suranné et très-fastidieux qu’a prononcé le sieur Auger. On a ensuite joué Héraclius, suivi de la petite pièce annoncée, la Jeune Indienne. Ce drame, très-prôné avant la représentation, n’a que huit scènes. Le sujet est tiré du Spectateur Anglais. M. Dorat vient d’en faire une Héroïde intitulée Lettre de Zeïla à Valcour.

L’auteur, M. Chamfort, né s’est pas donné la peine de rien changer. La jeune Indienne débite froidement tout ce qui est en action dans Arlequin sauvage. Le Quaker, principal personnage de la pièce, n’est qu’une très-faible et très-mesquine copie de Freeport de l’Écossaise : enfin tout le pathétique des reproches que fait la jeune étrangère à son amant qui l’abandonne, outre la ressemblance avec quantité de situations pareilles, soit en tragédie, soit en comédie, en a une plus directe et plus immédiate avec l’Héroïde de M. Dorat. Les acteurs se trouvent exactement les mêmes. Ajoutez qu’il n’y a pas le mot pour rire dans ce drame, pas la moindre intrigue, la moindre

  1. Dorat. — R.