Aller au contenu

Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
MÉMOIRES SECRETS

péripétie, la moindre entente du théâtre. Le style a été goûté assez généralement. On dit que l’auteur n’a que vingt-un ans.

Une circonstance qu’il ne faut point omettre, c’est que la pièce ayant été très-légèrement et très-médiocrement applaudie, pendant la représentation et surtout à la fin, les partisans de l’auteur se sont avisés de le demander. Cette puérilité ne paraissant pas convenable dans la circonstance, quelques autres voix s’y sont jointes par dérision. Le murmure plus grand a paru mériter l’attention du public : les loges, l’amphithéâtre, l’orchestre, tout est resté en suspens pour voir le dénouement. Les sages ont alors pris le parti de hurler avec les loups et de demander l’auteur à grands cris, pour sortir de là. Le tumulte est devenu si grand, que messieurs les Comédiens, qui d’abord ne tenaient pas grand compte des demandes du parterre, ont cru devoir y faire attention ; ils ont fait semblant de se donner quelques mouvemens pour chercher l’auteur. Celui-ci, à qui sa conscience reprochait intérieurement son ineptie et son peu de mérite pour être digne de l’attention du public, s’est bien donné de garde de prendre ce persiflage pour un empressement véritable. Enfin le sieur Molé a paru seul, comme pour annoncer que l’auteur n’y était pas. Les brouhahas ont redoublé, et cet acteur ayant fait différentes révérences, ayant ouvert plusieurs fois la bouche pour parler, sans être entendu, il s’est lassé et a disparu. Les clameurs ont continué, et les Comédiens ont fait tomber la toile. Ce coup de théâtre a terminé cette scène indécente et pitoyable, et l’imbécile parterre s’est tû, ainsi vilipendé par les histrions.

Ier Mai. — On prétend qu’on imprime séparément les