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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/305

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MÉMOIRES SECRETS

acharnement à rabaisser le grand homme. On lit, à la fin de Sertorius, une protestation des plus adroites et des plus cruelles, où le commentateur, en faisant sa profession de foi à l’égard du père du théâtre, ne s’humilie lui-même que pour le dégrader davantage. Il résulte de la lecture de son ouvrage, qu’il a moins prétendu nous faire voir le grand que le vieux Corneille. Pour comble de cruauté, il a fait précéder sa Bérénice de celle de Racine. Quelle étrange disparate, quand on sort du style onctueux de Racine, et que l’on tombe dans les barbarismes, les aspérités, les fadeurs de son rival !

18. — Le Jeune Homme n’a pas été accueilli hier comme l’auteur et les Comédiens l’espéraient ; la pièce n’a pu aller que jusqu’à la deuxième scène du troisième acte. Dès la deuxième du premier, le ridicule a éclaté au point d’occasioner un rire universel. Le parterre s’est mis en gaieté, et s’est soutenu sur ce ton jusqu’au moment ou un éternument épouvantable est parti des troisièmes loges. Cet incident a été comme le coup de foudre ; les éclats ont recommencé avec plus de fureur ; et les acteurs ont fait leur révérence. De mémoire d’homme, on n’a point vu de pièce aussi rare pour le ridicule et l’impertinence du style : on en cite plusieurs vers qui sont devenus proverbes. Le Jeune Homme ayant menacé une espèce de maître-Jacques d’une femme qu’il aime, de le jeter par la fenêtre, Celui-ci se retranche à dire : « par la porte, à la bonne heure. » Il philosophe ensuite ; il prétend qu’on n’est pas vil quand on a une âme. Enfin, l’autre insistant, il lui répond avec emphase :


Quand on fait son devoir, on sort par l’escalier.

Dans une autre scène, le Jeune Homme, à qui l’on