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MAI 1762

J’ai vu mourir ce dieu redoutable :
J’aC’est Marmontel qui l’a ressuscité ;
J’ai vu Et c’est la veine
J’ai vu Du plat Chimène
Qui lui rendra son immortalité.

Le pauvre diable de Chimène[1] ne s’attendait pas à faire clore cette méchanceté.

6. — M. de Belloy triomphe enfin. Aujourd’hui sa pièce, intitulée Zelmire, a eu le plus grand succès. C’est un sujet de pure invention, plein d’absurdités et d’événemens incroyables ; mais les situations en sont si séduisantes que la raison se laisse facilement subjuguer. Il y règne un grand intérêt, plus de curiosité cependant que de sentiment. Les trois premiers actes sont de la plus grande chaleur : les deux derniers n’enflamment pas tant le spectateur, défaut général de presque tous nos jeunes poètes tragiques. On a demandé l’auteur avec les plus bruyantes instances. Il est arrivé, soutenu de deux comédiens. Sa modestie le faisait chanceler.

7. — M. de Brienne, évêque de Condom, a prononcé hier un très-beau discours à l’ouverture de l’assemblée du clergé, qui s’est faite aux Grands-Augustins, suivant l’usage : il roulait sur l’amour de la patrie, fortifiée et soutenue par la religion.

8. — Toute la littérature est consternée de la fâcheuse nouvelle qui se répand sur la maladie dangereuse de M. de Voltaire. On le dit attaqué d’une fluxion de poitrine. Tronchin écrit en même temps qu’il espère le tirer d’affaire : ce qui ramène un peu. On serait d’autant plus fâché de cette perte très-grande en tout temps, que cet

  1. Augustin-Marie, marquis de Ximenès (ou prononce Chimène), né à Paris le 26 février 1726, mort le 31 mai 1817. — R.