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Page:De Bachaumont - Mémoires secrets Tome 1 - 1762-1765 - Ravenel - Ed. Brissot-Thivars - 1830.djvu/88

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JUIN 1762

semblaient forcer à applaudir, pu du moins gênaient beaucoup ceux qui auraient voulu témoigner du mécontentement. Malgré toutes ces précautions, ce drame est mort de sa belle mort. Rien de plus froid, de plus absurde et de plus ennuyeux. La pièce est si mauvaise, que bien des gens en infèrent que Palissot n’est pas même l’auteur des Philosophes, pièce qui n’a de merveilleux que son succès.

On a vu avec étonnement l’abbé de La Porte rompre des lances contre tout venant en faveur de cette nouvelle comédie. On l’aurait pu croire de mauvaise foi, s’il n’était plus vraisemblable de le croire de mauvais goût. On se serait imaginé que ce journaliste, l’écho des encyclopédistes, n’aurait pas profané sa bouche à exalter une très-pitoyable pièce d’un auteur ennemi déclaré de ce qu’il appelle les philosophes.

Il est bon d’observer encore que le chevalier de La Morlière[1] a eu pendant toute la représentation, à côté de lui, un exempt qui lui a déclaré qu’il était là pour le morigéner, et qu’il eût bien à s’observer. Cette attention de la police ne fait pas plus d’honneur au sieur Palissot qu’au chevalier de La Morlière.

8. — Rousseau a retiré 7,000 liv. de son livre. C’est madame et M. le maréchal de Luxembourg qui se sont mis à la tête de la vente, et qui en procurent un très-grand débit.

9. — Aujourd’hui, suivant le réquisitoire de M. le pro-

  1. « Il était le chef et le capitaine des cabales contre les pièces nouvelles ; il est prouvé qu’il avait à sa solde plus de cent cinquante conspirateurs. Il mettait tous les auteurs à contribution, et celui qui n’avait pas le moyen de lui payer le tribut qu’il exigeait pour faire réussir un ouvrage, pouvait compter sur une chute inévitable. » Favart, Mémoires, t. II, p. 21. — R.