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JUIN 1762

trois actes, en prose, de M. Renout. Cette pièce est d’un mérite fort mince.

1er Juillet. — Il paraît que la place vacante à l’Académie, par la mort de M. de Crébillon, sera pour l’abbé de Voisenon. Toutes les puissances le veulent. Il fait l’homme indifférent ; il prétend qu’il n’en a pas voulu, il y a quinze ans ; et s’il se rend aux sollicitations de ceux qui désirent qu’il soit de ce corps, c’est qu’on lui fait entendre qu’il y figurera comme homme de condition. Il n’est pas d’une naissance assez relevée pour cela, et cette façon de figurer n’est pas la plus honorable pour un homme d’esprit, mais l’adulation gâte les plus beaux naturels ; il est flatté de ce persiflage.

3 — M. Robbé, ce poète érotique[1] également licencieux et impie, mais dont le cerveau faible s’altérait dès qu’il lui survenait quelque petite maladie, est enfin rendu à son état naturel : il donne à corps perdu dans le jansénisme. C’est un convulsionnaire intrépide, et un acteur zélé qui a besoin des secours[2] les plus abondans.

  1. Robbé de Beauveset (Pierre-Honoré), né à Vendôme en 1714, mort à Saint-Germain en 1794. On doit à la muse érotique de ce poète la satire intitulée le Débauché converti, imprimée dans quelques éditions des poésies de Piron et Grécourt, et qui s’y fait distinguer par son cynisme dégoûtant. Il n’est plus guère connu que par ces jolis vers de la Dunciade :

    Est-ce donc vous que j’aperçois ici,
    Mon cher Robbé, chantre du mal immonde,
    Vous dont la muse en dégoûtait le monde. — R.

  2. Le diacre Pâris, décédé le 1er mai 1727, avait été, de son vivant, l’un des coryphées du jansénisme et des plus zélés opposans à la bulle Unigenitus. Il fut enterré au cimetière de Saint-Médard. Quelques fanatiques, guidés par des prêtres imbéciles, imaginèrent d’aller se prosterner sur sa tombe, pour faire cesser de prétendues convulsions. Ces jongleries durèrent assez longtemps ; mais enfin l’autorité crut devoir mettre fin à ces scènes de scandale. Le cimetière fut fermé, et les miracles cessèrent. Les Jansénistes ne se tinrent cependant pas pour battus. Les dévotes du parti s’assemblèrent en secret à la