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Page:De Gaspé - Mémoires. 1866.djvu/547

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Marseille et sa femme, tant qu’ils furent valides, transportaient même, pour la somme de huit piastres, le personnel de leur théâtre aux domiciles des chefs de famille de la première société canadienne qui désiraient amuser leurs enfants et les enfants de leurs amis. Ces réunions, auxquelles étaient conviés les parents de cette belle jeunesse, finissaient toujours par un souper et souvent même par un bal et un souper.

Les Marseille, comme tous les acteurs célèbres, eurent aussi leur soirée de grand triomphe, dont ils conservèrent le souvenir jusqu’à leur mort. Son Altesse Royale le Duc de Kent, père de notre gracieuse Souveraine, daigna honorer un soir leur théâtre de sa présence. Il fallait inventer quelque chose de nouveau, d’imprévu, pour un si grand personnage ; et le génie des Marseille ne leur fit pas défaut dans cette occasion solennelle. Et comme le prince avait fait louer le théâtre pour lui et sa société quelques jours d’avance, nos artistes eurent le temps de tout préparer pour la surprise qu’ils lui réservaient.

Les Marseille avaient déjà réussi à amuser le Prince avec leurs marionnettes, mais ils tenaient aussi à l’attendrir, il fallait faire succéder le drame touchant à la comédie. Le rideau tombe ; et Madame Marseille assise comme de coutume pendant le spectacle, au bas de la scène, en qualité de commère de son digne époux, près de l’orchestre renforcé pour l’occasion, d’un fifre ajouté au violon unique et au tambour qui composaient la musique ordinaire, Madame Marseille, dis-je, se lève, fait une profonde révérence au Duc de Kent, et dit :

« Mon prince, il n’y a plus de marionnettes : le diable