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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/132

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On dit que saint Anselme, archevêque de Cantorbéry[1], duquel la naissance a grandement honoré nos montagnes, était admirable en cette pratique des bonnes pensées. Un levraut pressé des chiens accourut sous le cheval de ce saint prélat, qui pour lors voyageait, comme à un refuge que le péril éminent de la mort lui suggérait ; et les chiens clabaudant tout autour n’osaient entreprendre de violer l’immunité à laquelle leur proie avait eu recours ; spectacle certes extraordinaire, qui faisait rire tout le train, tandis que le grand Anselme, pleurant et gémissant : « Ah ! vous riez, disait-il, mais la pauvre bête ne rit pas ; les ennemis de l’âme, poursuivie et malmenée par divers détours en toutes sortes de péchés, l’attendent au détroit de la mort pour la ravir et dévorer, et elle, tout effrayée, cherche partout secours et refuge ; que si elle n’en trouve point, ses ennemis s’en moquent et s’en rient ». Ce qu’ayant dit, il s’en alla soupirant. Constantin le Grand écrivit honorablement à saint Antoine ; de quoi les religieux qui étaient autour de lui furent fort| étonnés, et il leur dit : « Comme[2] admirez-vous qu’un roi écrive à un homme ? Admirez plutôt de quoi Dieu éternel a écrit sa loi aux mortels, ains leur a parlé bouche à bouche en la personne de son Fils ». Saint François voyant une brebis toute seule emmi un troupeau de boucs : « Regardez, dit-il à son compagnon, comme cette pauvre petite brebis est douce parmi ces chèvres ; Notre Seigneur allait ainsi doux et humble entre les

  1. L’édition de 1619 porte Cantorbie.
  2. Comment.