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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/162

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tifications du cœur, qui néanmoins sont bien plus excellentes. Choisissez donc, Philothée, les meilleures vertus et non pas les plus estimées, les plus excellentes et non pas les plus apparentes, les meilleures et non pas les plus braves[1].

Il est utile qu’un chacun choisisse un exercice particulier de quelque vertu, non point pour abandonner les autres, mais pour tenir plus justement son esprit rangé et occupé. Une belle jeune fille, plus reluisante que le soleil, ornée et parée royalement et couronnée d’une couronne d’olives, apparut à saint Jean, évêque d’Alexandrie et lui dit : « Je suis la fille aînée du roi ; si tu me peux avoir pour ton amie je te conduirai devant sa face ». Il connut que c’était la miséricorde envers les pauvres que Dieu lui recommandait, si que, par après, il s’adonna tellement à l’exercice d’icelle, que pour cela il est partout appelé saint Jean l’Aumônier. Euloge Alexandrin, désirant faire quelque service particulier à Dieu, et n’ayant pas assez de force ni pour embrasser la vie solitaire ni pour se ranger sous l’obéissance d’un autre, retira chez soi un misérable tout perdu et gâté de ladrerie pour exercer en icelui la charité et mortification ; ce que pour faire plus dignement, il fit vœu de l’honorer, traiter et servir comme un valet ferait son maître et seigneur. Or, sur quelque tentation survenue tant au ladre qu’à Euloge de se quitter l’un l’autre, ils s’adressèrent au grand saint Antoine qui leur dit : « Gardez bien, mes enfants, de vous séparer l’un de l’autre ; car étant tous

  1. Au sens vieilli de : qui fait figure, qui a de l’apparence.