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Page:De Sales - Introduction à la vie dévote, 1619, édition Boulenger, 1909.pdf/19

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Mais elle n’en eut clairement conscience qu’à partir du jour où, loin de la cour et loin des siens, elle vit se dresser devant elle le devoir austère, celui qui s’imposait à l’épouse, et aussi à la mère, puisque vers le milieu de 1601, elle avait mis au monde un fils, Henri de Charmoisy. Il apparaît de tout un ensemble de témoignages, que Madame de Charmoisy eut à passer bientôt par une épreuve pénible.

Un correspondant[1] écrit, le 4 octobre 1601, à Monsieur de Charmoisy, que ses fonctions retenaient loin de sa femme : « J’ai été voir Madame de Charmoisy à Folliet, où elle n’est pas bien, et vous assure que j’ai peur qu’elle n’y prenne quelque mélancolie, qu’on ne lui pourrait pas puis ôter facilement ; car c’est un petit désert ». Il est évident que ce qui lui pèse d’abord, c’est l’isolement : Madame de Charmoisy n’est pas encore à cette époque une de ces âmes « vigoureuses et constantes »[2], pour qui la solitude devient à certaines heures un besoin. Et puis quel contraste entre Paris et la Savoie, entre une cour brillante et les Alpes sauvages, entre sa vie d’hier, périlleuse peut-être, mais parée de toutes les séductions que le monde offre à la jeunesse, à la fortune, à la beauté, et sa vie présente, si nouvelle au prix de l’ancienne, vie de silence, de plaisir grave et d’humble labeur ! Il arriva pour cette âme ce qui se produit pour toutes les âmes,dans des conjonctures pareilles. L’isolement ne va guère sans la tristesse, et la tristesse est

  1. M. de la Bretonnière, intendant de la maison du duc de Nemours.
  2. Introd., préface.